Un conte de Mamiehiou

Si ce que tu me dis est vrai, tu seras pendu

Il était une fois un roi qui s'amusait à poser des énigmes à ses sujets pour mesurer leur bêtise et se rire d'eux autant qu'il le pouvait. Et il n'hésitait pas à torturer ceux-là mêmes qui n'avaient que quelques minutes à vivre.
Non, il n'était ni charitable, ni compatissant envers autrui.
Lorsqu'un de ses sujets était condamné à mort par pendaison ou par décapitation ─ telle en était la coutume en ce triste pays ─ on accordait au condamné une ultime faveur.
Tout près du gibet où on lui passerait la corde au cou, et du billot où dès que sa tête y serait posée, on la lui trancherait à la hache d'un coup sec, le condamné tremblant écoutait son roi, sachant bien que rien ne pourrait le sauver.
" Écoute-moi bien, lui disait le tyran, je te donne le droit de me dire ce que tu veux. Mais attention, si ce que tu me dis est vrai, tu seras pendu, si ce que tu me dis n'est pas la vérité, tu seras décapité."
Une manière qu'avait ainsi le pauvre homme de choisir sa mort.
Et le condamné répondait selon sa préférence..
Un jour que son bouffon ne l'amusait plus, ou qu'il était allé trop loin dans ses bouffonneries, que sais-je, le roi décida de le condamner à mort, sans autre forme de procès.
Et voilà notre pauvre fou, contrefait de surcroît, arrivant sur la place publique, près de remettre son âme à Dieu. Les badauds applaudissent en le voyant gravir l'échafaud, tout frétillant dans ses habits bigarrés et secouant la tête à faire tinter joyeusement ses clochettes au bonnet.
On murmure qu'il est encore plus fou qu'on ne croyait.
" Écoute-moi bien, lui dit alors le roi, je te donne le droit de me dire ce que tu veux. Mais attention, si ce que tu me dis est vrai, tu seras pendu, si ce que tu me dis n'est pas la vérité, tu seras décapité."
Alors le condamné prononça cette phrase qui laissa la foule interdite : "Je serai décapité."

Que crois-tu qu'il se passa, lecteur attentif ?
Réfléchis.
Réfléchis encore... et encore un petit peu...
Il advint une chose merveilleuse : le bouffon sauva sa peau, tel Œdipe résolvant l'énigme du Sphinx.
Et le roi en fut marri.
Étonnant non ! 

Explication (si nécessaire) 
Si on le pend, il aura menti, or il faut qu'il dise vrai pour être pendu.
Si on lui coupe la tête, il aura dit la vérité, or il faut qu'il ait menti pour être décapité.
Cette histoire, j'en connais la trame depuis très très longtemps, et je la raconte ici à ma manière.
Mais où l'ai-je lue ou entendue ?
En parcourant la toile, je la retrouve ici et là. Mais personne pour me dire qui l'a imaginée. J'aimerais bien rendre à César ce qui appartient à César.
Vous me direz que je n'ai rien inventé ou que cette histoire est rebattue. Qu'importe ! Je ne suis pas d'une susceptibilité chatouilleuse.
La Fontaine ne s'emparait-il pas sans vergogne des fables d'Ésope pour composer les siennes, et pour notre plaisir ? Qui le lui reprocherait aujourd'hui ?
Si j'avais été La Fontaine, j'aurais écrit ce conte en vers et mis en scène la gent animale.
Je m'y amuserai un jour, peut-être...
Mamiehiou

le blog de Mamiehiou
http://mamiehiou.over-blog.com/

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